Editions Tatanka
brochures anarchistes et de critique sociale
« La non-violence est patriarcale » Peter Gelderloos
Categories: General

[Ecrit par l’anarchiste américain Peter Gelderloos, issu de son livre écrit en 2005 «Comment la non-violence protège l’Etat» – « How non-violence protects the state » : non encore traduit en français-, le texte reprend l’intégralité des quelques pages du chapitre du même nom dans le livre -« Non-violence is patriarcal ». En voici la traduction complète en français.]

Nouvelle traduction libre avec notes complètes de l’auteur, Juin-Juillet 2012.

Format PDF (convertir en brochure à plier lors de l’impression) – cliquer sur l’image :

http://2.bp.blogspot.com/_gRcT7Dt24uM/TRp0eFAd7TI/AAAAAAAAARY/HDyUu5bPAzw/s320/nonviolence.bmp

Préface :

 Aussi, quel genre de notion de la liberté n’inclue pas que les femmes
puissent se défendre elles-même ? En réponse à la supposition selon
laquelle les femmes ne peuvent être protégées que par de plus larges
structures sociales, l’activiste Sue Daniels nous rappelle : «Une femme
est capable de repousser un agresseur masculin par elle-même… Ce
n’est absolument pas une question de force physique – c’est une
question d’entraînement»

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Le Patriarcat est une forme d’organisation sociale qui produit ce que nous définissons communément comme le sexisme. Mais il va bien au delà des préjudices individuels et systémiques contre les femmes. Il est, avant tout, une fausse division entre deux catégories étanches (les mâles et les femelles) qui sont présentées comme naturelles et justes. Mais de nombreuses personnes, en parfaite santé, ne rentrent pas dans ces catégories physiologiques, et de nombreuses cultures non-occidentales reconnaissaient -et reconnaîtraient toujours, si elles n’avaient pas été détruites- plus de deux sexes et genres. Le Patriarcat se constitue en définissant clairement des rôles (économiques, sociaux, émotionnels et politiques) aux hommes et aux femmes, et il présente aussi -fallacieusement- ces rôles comme naturels et justes.

Dans le patriarcat, les individus qui ne rentrent pas dans ces rôles genrés ou les rejettent sont neutralisé-e-s par la violence et l’ostracisme. Elles et ils sont poussé-e-s à être vu-e-s, et à se sentir comme moches, sales, effrayant-e-s, méprisables et abjectes. Le patriarcat est nocif pour tout un chacun, et est reproduit par quiconque vit en son dedans. Biensur, comme son nom l’indique, il place les hommes dans une position de domination et les femmes dans une position de soumission.

Les activités et les caractéristiques qui sont traditionnellement associées au «pouvoir», ou au moins au privilège, appartiennent essentiellement aux hommes (1). Le patriarcat fournit à la fois le droit et l’aptitude à user de la violence exclusivement aux hommes. Avec le genre, comme avec la race, la Non-violence suppose qu’au lieu de se défendre contre la violence, nous devrions souffrir patiemment jusqu’à ce que la société se mobilise pour s’y opposer pacifiquement (ou que nous devrions attendre un «changement» global vis à vis de toute agression qui nous menace individuellement).

La plupart des partisans de la non-violence la présenterons généralement non seulement comme une pratique politique bornée, mais comme une philosophie qui se devrait de pénétrer le corps social et de déraciner la violence dans toutes ses manifestations. Mais les pacifistes semblent ne pas avoir donné à la violence du patriarcat toute la considération qui lui est due. Car après tout, dans les guerres, dans les révolutions sociales, et dans la vie quotidienne, les femmes et les trans-genres sont les premiers récipiendaires de la violence en société patriarcale.

Si nous sortons cette philosophie hors de l’arène du «politiquement impersonnel», et si nous la replaçons dans un contexte plus prosaïque, le non-violence implique qu’il soit immoral pour une femme d’affronter son agresseur ou d’envisager l’auto-défense. La non-violence implique qu’il est préférable pour une femme mariée harcelée/battue [ndt : abused] de s’éloigner plutôt que de mobiliser un groupe de femmes pour affronter et se battre contre le mari violent (2). La non-violence implique qu’il est mieux pour une personne d’être violée plutôt que de se saisir de son stylo dans sa poche et de le planter dans la jugulaire de son assaillant (parce qu’agir ainsi contribueraient à entretenir le cycle de la violence et encourager de futurs viols). Le pacifisme ne résonne simplement pas dans la réalité quotidienne des gens, à moins que ces derniers ne vivent dans une extravagante bulle de tranquillité dont toute forme de violence réactive universelle de civilisation a été exclue par la violence, systématique et moins visible, des forces de police et de l’armée. En d’autres termes, la non-violence semble s’accorder parfaitement avec le patriarcat.

Enfin, l’abolition du patriarcat en particulier requière des formes de résistance qui accentuent l’apaisement et la réconciliation (3). Les concepts occidentaux de justice, basés sur la loi et la punition, sont patriarcaux d’un bout à l’autre. Les premiers codes pénaux ont définit les femmes entant que propriété, et les lois ont été écrites pour des propriétaires masculins, qui ont été éduqués et socialisés à ne pas faire de sentiments; les « fautives » furent toujours traitées par la punition plutôt qu’en vue d’une conciliation. En outre, le patriarcat n’est pas soutenu par une puissante élite qui doive être défaite par la force, mais par chacun d’entre nous. Parce que la distribution du pouvoir à l’intérieur du patriarcat est bien plus diffuse qu’à l’intérieur de l’Etat ou du capitalisme (par exemple, un Général qui est aussi actionnaire d’une grande entreprise aura un pouvoir particulier au sein de l’Etat et du capitalisme, mais ne détiendra pas un pouvoir plus particulier dans le patriarcat que la plupart des hommes, à part peut être en tant que rôle modèle de masculinité), se battre contre ceux qui détiennent ce pouvoir ou ceux qui en sont le plus responsables joue un moindre rôle.

A l’inverse des gens qui construisent une culture qui permet à chacun-e de s’identifier en termes de genre et nous soutiennent lors que nous construisons des relations sociales plus libres, et nous permettent de nous remettre de plusieurs générations ayant subit violences et traumatismes. Cette perspective est parfaitement compatible avec l’entraînement à l’auto-défense des femmes et des trans-genres et s’attaque aux institutions économiques, culturelles, et politiques qu’incarnent le patriarcat ou justifient sa forme la plus brutale. Tuer un flic qui viole des transgenres sans abris et des prostitué-e-s, brûler la filiale d’un grand magazine qui pousse des femmes à l’anorexie et la boulimie, enlever le président d’une entreprise qui gère le trafic des femmes : aucune de ces actions ne permet réellement l’établissement d’une culture vivante. D’autant plus que certaines personnes puissantes qui profitent consciemment du patriarcat ont intérêt à empêcher activement l’émergence d’une culture vivante. Valoriser des relations sociales saines est complémentaire à l’opposition militante contre les institutions qui propagent un modèle de relations sociales fondées sur la violence et l’exploitation, et supprimer les plus flagrants et sans doutes les plus incorrigibles exemples de patriarcat au quotidien est une des façons d’amener les autres à comprendre la nécessité d’une alternative.

La majeur partie de ce qui est nécessaire pour venir à bout du patriarcat sera probablement pacifique, et concentrée sur le traitement et la construction d’alternatives. Mais une pratique pacifiste qui interdit l’usage d’autres tactiques ne laisse aucune option aux gens qui ont besoin de se protéger de la violence au jour le jour.

Dans le cas du viol et d’autres formes de violences contre les femmes, la non-violence implique les mêmes sermons que le patriarcat a enseigné depuis des millénaires. C’est une éloge de la passivité : «tendre l’autre joue» et «souffrir dignement» parmi les opprimé-e-s. Dans un des textes des plus lucides définissant la préservation et l’implantation de l’histoire du patriarcat -l’Ancien Testament-, des commandements et des paraboles jusqu’au conseil juridique : tout pousse les femmes à souffrir de l’injustice patiemment en priant pour l’intervention de l’Autorité divine. (Cette prescription est remarquablement similaire à la foi que les pacifistes ont en les médias bourgeois à disséminer des images de « souffrance digne » pour inciter la «Prise-de-décision faisant autorité» afin d’obtenir justice). Parce que le Patriarcat prescrit clairement une violence masculine à sens-unique, les femmes viennent perturber cette dynamique de pouvoir, et non la renforcer, en réapprenant leur propension à la violence (4).

Pour le redire, le fait que des femmes réclament leur habilité et leur droit à utiliser la force ne suffit pas en soi à mettre un terme au patriarcat, mais c’est une condition sine qua non à la libération des genres, autant qu’une forme utile d’autonomisation [« empowerment » ndt] et de protection à court terme. Les pacifistes et les féministes réformistes prétendent souvent que ce sont les militants activistes qui sont sexistes. Dans beaucoup de cas spécifiques, cette accusation s’est confirmée. Mais cette critique a fréquemment été élargie pour suggérer que l’usage activiste de la violence lui-même était sexiste, masculin, ou même privilégié. (5) Comme Laina Tanglewood l’explique «Quelques récentes  »féministes » critiques de l’anarchisme ont condamné l’action comme étant sexiste et excluant les femmes… C’est en réalité cette idée là qui est sexiste »(6).

Un autre anarchiste fait remarquer, «En fait, la masculinisation de la violence, avec son sous-entendu sexiste concomitant, la féminisation de la passivité, doivent plus aux présomptions de ceux pour qui la notion de changement n’inclue pas la révolution ou la destruction de l’Etat.» (7)

Aussi, quel genre de notion de la liberté n’inclue pas que les femmes puissent se défendre elles-même ? En réponse à la supposition selon laquelle les femmes ne peuvent être protégées que par de plus larges structures sociales, l’activiste Sue Daniels nous rappelle, «Une femme est capable de repousser un agresseur masculin par elle-même… Ce n’est absolument pas une question de force physique – c’est une question d’entraînement»(8).

Et «La Volonté de Vaincre! Les femmes et l’autodéfense», un pamphlet anonyme, ajoute ceci :

« Il est ridicule qu’il existe autant d’organisation de conseil et
soutient pour les femmes qui ont été violées, agressées, et
abusées mais presque aucune qui ne travaille à préparer et empêcher
que ces choses arrivent. Nous devons refuser d’être des victimes et rejeter l’idée que nous devrions nous soumettre à nos assaillants pour nous préserver de susciter une violence plus grande encore.
En réalité, se soumettre à nos assaillants ne fait que

contribuer aux violences futures contre d’autres. » (9)

L’idée toute entière selon laquelle la violence est masculine, ou que l’activisme révolutionnaire exclue les femmes, les queers et les trans est, comme d’autres prémisses à la non-violence, basée sur un blanchiment historique. Ignorées sont les femmes nigériennes occupant et sabotant les raffineries pétrolifères; les femmes martyres de l’Intifada Palestinienne; les combattant-e-s queers et transgenres de la Révolte de Stonewall, les innombrables, les milliers de femmes qui se sont battues pour le Vietcong; les femmes leaders de la Native resistance to European and US Genocide; les Mujeres Creando, groupe anarcha-féministe de Bolivie; et les suffragettes britanniques qui déclenchèrent des émeutes et se battirent contre la police. Oubliées sont les femmes du Black Panther Party (Parti des Panthères Noires – BPP); les femmes Zapatistes, celles du Weather Underground, et de bien d’autres groupes militants.

L’idée que résister et se battre exclue les femmes est absurde.

Il n’y a pas que l’histoire du « Premier Monde » blanc et pacifié qui s’y oppose, car même le patriarcat le plus efficient qu’on puisse imaginer ne pourra jamais empêcher tout-e-s les trans-genres et toutes les femmes de combattre l’oppression de manière militante.

Les défenseurs de la non-violence font parfois une exception restreinte pour l’autodéfense, parce qu’ils reconnaissent combien il est faux de dire que les opprimé-e-s ne peuvent ou ne doivent pas se protéger eux-mêmes/elles-mêmes, mais n’ont aucune stratégie viable concernant la violence systémique. Ce serait de l’autodéfense de frapper un mari abusif, mais pas de faire sauter une usine émettrice de dioxine rendant le lait maternel toxique ? Qu’en est il d’une campagne plus concertée pour détruire l’entreprise qui possède l’usine étant responsable des rejets polluants ? Est-ce de l’autodéfense de tuer un Général qui envoie ses soldats violer des femmes dans une zone de guerre ? Ou bien les pacifistes doivent ils rester sur la défensive, en ne se préoccupant que de répondre à des attaques individuelles et en se soumettant à la fatalité de telles attaques jusqu’à ce que des tactiques non-violentes permettent de convaincre le Général ou de faire fermer l’usine, dans des temps futurs incertains ?

En plus de protéger le patriarcat de toute opposition militante, la non-violence permet aussi à des dynamiques patriarcales de se maintenir au sein même du mouvement. L’une des prémisses majeurs de l’actuel activisme anti-oppression (Né du désir partagé de promouvoir des mouvements plus sains, plus puissants et pour éviter les querelles internes qui découlaient très largement de la négligence des dynamiques oppressives qui ont paralysées les précédentes générations de luttes de libération) est que les hiérarchies sociales oppressives existent et se reproduisent dans le comportement de tout les individu-e-s et doivent être vaincues aussi bien intérieurement qu’extérieurement. Mais le pacifisme prospère en se soustrayant à l’auto-critique (10). Beaucoup connaissent le stéréotype en partie justifié des activistes non-violents se complaisant dans l’auto-satisfaction et l’auto-célébration, qui « incarnent le changement qu’ils aimeraient voir dans le monde » (11) à tel point que dans leur esprit, ils incarnent tout ce qui est bien et beau. Un adepte d’une grande organisation pacifiste expliquait, en réponse à la critique des privilèges que le leader du groupe, un homme blanc, ne profitait probablement pas de ses privilèges de blanc et de mâle, parce que c’est « quelqu’un de bien », comme si la suprématie blanche et le patriarcat n’étaient qu’une question de libre association (12).

Dans un tel contexte, n’est-ce pas là une position confortable que celle d’une majorité prédominante de dirigeants masculins incarnant l’idéal non-violent, comme résultat de la participation à un nombre impressionnant de grèves de la faim et de sit-ins lorsqu’on vient par exemple vous accuser d’un comportement oppressif, de transphobie ou d’abus sexuel ?

L’évitement des pacifistes face à l’auto-critique est fonctionnel, et pas seulement caractéristique. Quand votre stratégie est basée sur «conquérir et occuper le terrain moral»(13), il est nécessaire de se dépeindre soi-même comme moral, et votre ennemi comme immoral. Avec une pareille stratégie : dévoiler les bigoteries et les dynamiques oppressives des leaders et autres membres du groupe est simplement contre-productif.

Combien de gens savent par exemple que Martin Luther king traitait Ella Baker (qui a largement contribué à la fondation de la Southern Christian Leadership Conference [SCLC], où Luther King n’y était encore qu’un organisateur inexpérimenté) comme sa secrétaire, qu’il a rie au visage de plusieurs femmes lorsqu’elles suggérèrent que le pouvoir et la direction de l’organisation pourraient être partagées; déclara que le rôle naturel des femmes était la maternité, et que, malheureusement, elles étaient «obligées» de tenir leur rôle «d’éducatrice» et de «meneuse» (14), et qu’il a exclût Bayard Rustin de son organisation parce que Rustin était homosexuel ?(15) Mais donc, pourquoi ces faits seraient ils rendues plus largement accessibles et publiques lorsqu’on fait de Martin Luther King une légende qui nécessite qu’on occulte la moindre de ses fautes pour le représenter comme un Saint ? Quoi qu’il en soit, pour les activistes révolutionnaires, la victoire implique la construction d’un rapport de force, et de déjouer les stratégies d’Etat. Un tel passé requière un examen et une auto-critique permanente (16).

Ce sont souvent des a prioris sexistes pré-existants qui font que des groupes militants sont décrits comme plus sexistes qu’ils ne le sont en réalité. Par exemple, les femmes étaient effectivement exclues des positions de pouvoir dans le SCLC (17), de Luther King, alors que les femmes (par exemple, Elaine Brown) à la même époque, occupaient des positions importantes au sein du Black Panther Party (BPP). Et c’est pourtant encore aujourd’hui le BPP, et pas le SCLC, qui est présenté comme le Parangon du machisme.

Kathleen Cleaver réfute : «En 1970, le Parti des Panthères Noires a pris une position formelle en faveur de la libération des femmes. Le congrès des Etats-unis a t’il jamais fait une seule déclaration à propos de la libération des femmes ?»(18)
Frankye Malika Adams, une autre des Panthères, raconte :
«Les femmes avaient toute leur place dans l’organisation du BPP. Je ne comprend pas comment ça aurait pu être un parti d’hommes ou être pensé comme étant un parti d’hommes.»(19)

En ressuscitant une histoire plus juste du Parti des Panthères Noires, Mumia Abu-Jamal raconte ce qui était, en quelque sorte, «un parti de femmes »(20).

Néanmoins, le sexisme perdura parmi les Panthères, comme il perdure au sein de tout milieu révolutionnaire, et tout autre segment de la société patriarcale aujourd’hui. Le Patriarcat ne peut pas être détruit en un jour, mais peut être graduellement vaincu par des groupes qui travaillent à sa destruction. Les activistes doivent reconnaître le patriarcat comme un problème majeur et ouvrir des espaces au sein des mouvements révolutionnaires pour les femmes, les queers, et les transgenres, en tant que forces créatives en concentrant, en examinant, et en reformant la lutte (tout en soutenant les efforts des hommes pour comprendre et contrer notre propre socialisation).Une analyse honnête nous permet de comprendre que les intentions ne comptent pas, et que le plus gros reste à faire pour libérer le mouvement du contrôle des hommes et pour trouver des manières saines, et réparatrices de gérer des exemples d’abus dans les relations, sociales ou intimes, parmi les membres du mouvement.

Soit militante, soit pacifiste : quasiment toutes les discussions stratégiques ou tactiques auxquelles j’ai participé étaient dominées de manière écrasante par des hommes. Plutôt que de prétendre que les femmes ou les trans-genres ne sont pas capables de participer à une très large gamme d’options tactiques (voir même d’en discuter), nous ferions bien de nous souvenir des voix de celles qui se sont battues de manière violente, intraitable et efficaces comme des révolutionnaires. A ce sujet :

Les « Mujeres Creando » (« Femmes Créatives »), sont un groupe anarcha-féministe en Bolivie. Ses membres ont initiée plusieurs campagnes de graffiti et contre la pauvreté. Elles protègent les protestataires dans les manifestations. Dans leur action la plus spectaculaire, elles se sont armées de cocktails Molotov et de bâtons de dynamite et ont aidé un groupe d’agriculteurs indigènes à occuper une banque pour demander l’annulation d’une dette qui poussaient les agriculteurs et leurs familles à la famine. Dans une interview, Julieta Paredes, une membre fondatrice, explique les origines du groupe:

« Les Mujeres Creando sont une  »folie » initiée par trois femmes [Julieta Paredes, Maria Galindo, et Monica Mendoza] depuis l’arrogante, homophobe et totalitaire Gauche bolivienne des années 80… La différence entre nous et ceux qui parlent de renverser le capitalisme, c’est que tous leurs projets de nouvelle société viennent du patriarcat de Gauche. En tant que féministes dans les Mujeres Creando, nous voulons la révolution, c’est à dire un véritable changement de système… Je l’ai dis et je le dirai encore : Nous ne sommes pas anarchistes du fait de Bakounine ou de la CNT, mais bien plus du fait de nos grand mères [Ndt : beaucoup de femmes boliviennes de cette génération étaient anarchistes], et c’est une belle école de l’anarchisme » (21).

Sylvia Rivera, une drag queen portoricaine, évoque sa participation à

la révolte de Stonewall en 1969, déclenchée suite un raid de la police dans le bar de Stonewall dans le village de greenwich à New York, venue harceler les clients homosexuels et les trans :
«Nous n’en pouvions plus de toute cette merde. Nous avions tant fait pour les autres mouvements. Notre heure était venue. C’était de personnes homosexuelles de la rue, du village devant le foyer pour sans-abris, qui vivaient dans le parc de Sheridan Square à l’extérieur du bar, et des puis derrière eux des drag queens et tout ce monde derrière nous …. Je suis fièr-e d’avoir participé à l’émeute de Stonewall. Je me souviens quand quelqu’un-e a jeté un cocktail Molotov, j’ai pensé: « Mon dieu, c’est la révolution. C’est enfin la révolution ! » J’ai toujours su que nous aurions notre contre-attaque. Je savais que nous allions nous battre. Je ne pensais pas que ce serait ce soir-là. Je suis fièr-e d’avoir été là cette nuit-là. Si j’avais raté ce moment-là, j’aurais été un peu blessé-e parce que c’est à ce moment que j’ai vu le monde changer pour moi et pour les mien-ne-s. Même si bien sûr, nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir aux États-Unis.» (22)
Ann Hansen est une révolutionnaire canadienne qui a passé sept ans en prison pour son implication dans les années 1980 avec des groupes clandestins d’action directe et la brigade des incendies de la Wimmin, qui (entre autres actions) ont fait sauter l’usine de Litton Systems (un fabricant de composants de missiles de croisière ) et posé des bombes contre une chaîne de magasins de pornographie qui vendait des vidéos montrant des viols. Selon Hansen:
« Il y a beaucoup de formes différentes d’action directe, dont certaines sont plus efficaces que d’autres à différents points de l’histoire. Mais en conjonction avec d’autres formes de protestation, l’action directe peut faire que le mouvement pour le changement soit plus efficace en ouvrant des chemins à la résistance qui ne sont pas facilement récupérées ou contrôlées par l’Etat. Malheureusement, les gens au sein du mouvement affaiblissent leurs propres actions en oubliant de comprendre et de soutenir la diversité des tactiques disponibles …
Nous avons été pacifié-e-s. »(23)
La plus célèbre anarchiste américaine d’origine russe, Emma Goldman, qui participa à la tentative d’assassinat du patron de Henry Frick Clay en 1892, partisane de la Révolution russe, et l’une des premières critiques du pouvoir léniniste parle ainsi de l’émancipation des femmes :
« L’histoire nous enseigne que chaque classe opprimée n’obtient une véritable émancipation vis à vis de ses maîtres qu’à travers ses propres efforts. Il est nécessaire à la femme de retenir cette leçon, qu’elle se rende compte que sa liberté ne sera atteinte que dans la mesure où elle atteint le pouvoir de conquérir sa liberté. « (24)
 Mollie Steimer, une autre anarchiste russe, immigrée américaine. Dès son jeune âge, Steimer a collaboré avec Frayhayt, un journal anarchiste en langue yiddish de New York. Son entête proclamait : « La seule guerre juste, c’est la révolution sociale. » A partir de 1918, Steimer a été arrêtée et emprisonnée à plusieurs reprises pour avoir dénoncé la Première Guerre mondiale ou pour son soutien à la révolution russe, qui, à ce moment-là, avant la consolidation du pouvoir léniniste et des purges, possédait une importante composante anarchiste. À un ses procès, elle a déclarée :
«Pour l’accomplissement de cette idée [l’anarchisme], je consacrerai toute mon énergie, et, si nécessaire, je donnerai ma vie pour elle. » (25) Steimer a été déporté en Russie, puis emprisonnée par les Soviétiques pour soutiens aux prisonniers anarchistes là-bas.
Anna Mae Pictou Aquash était une femme du Mi’kmaq et de l’American Indian Movement (AIM). Après avoir enseigné, et conseillé les jeunes autochtones, et « travaillé avec des afro-américains de Boston et les communautés amérindiennes, » (26), elle a rejoint l’AIM et a été impliquée dans l’occupation de 71 jours de Wounded Knee sur la réserve de Pine Ridge en 1973. En 1975, à la hauteur d’une période de répression étatique brutale au cours de laquelle au moins 60 membres de l’AIM et de sympathisant-e-s ont été assassiné-e-s par des paramilitaires armés par le FBI, Pictou Aquash participe à une fusillade dans laquelle deux agents du FBI sont tués. En Novembre 1975, elle a été déclaré fugitive pour échapper aux comparutions concernant des faits d’explosifs. En Février 1976, elle fut retrouvée morte, une balle dans la tête tirée par derrière; le coroner d’État désigna l’origine de la mort comme du à une «exposition». Après sa mort, on appris que le FBI l’avait menacé pour ne pas avoir dénoncé d’autres militant-e-s de l’AIM.
Au cours de sa vie, Pictou Aquash était une militante sincère et révolutionnaire.
« Ces blancs pensent que ce pays leur appartient, ils ne se rendent pas compte qu’ils ne sont au pouvoir aujourd’hui que parce qu’ils sont plus nombreux que nous. Le pays entier a changé seulement du fait d’une bande de pèlerins en haillons qui sont venus ici dans les années 1500. On peut prendre une poignée d’Indiens en haillons pour faire de même, et j’ai bien l’intention d’être une de ces Indiens en haillons. « (27)
Les Rote Zora (RZ) était un groupe de guérilla urbaine ouest-allemand de féministes anti-impérialistes. En collaboration avec les Cellules révolutionnaires (Revolutionäre Zellen – RZ), elles ont effectuées plus de deux cents attaques, pour la plupart des attentats, au cours des années 1970 et 80. Elles ciblaient les pornographes; les sociétés utilisant des ateliers clandestins, les bâtiments gouvernementaux, les entreprises vendant les femmes en tant qu’épouses, esclaves sexuels, et travailleuses domestiques, les compagnies pharmaceutiques, et bien plus encore. Dans une interview anonyme, des membres des Rote Zora expliquèrent ceci :
« les femmes des RZ ont commencé en 1974 avec l’attaque à la bombe de la Cour suprême de Karlsruhe, car nous voulions toutes l’abolition totale de l’article ‘218’ (la loi sur l’avortement)» (28).
Interrogées pour savoir si la violence, tels que leurs attentats, nuisait au mouvement, ses membres ont répondu:
Zora 1 : Faire du tort au mouvement — tu parles de l’instauration de la répression. Les actions ne font pas de tort au mouvement ! Au contraire, elles doivent et peuvent soutenir directement le mouvement. Par exemple notre attaque contre les marchands de femmes a contribué à exposer leur business à la lumière publique, à ce qu’ils se sentent menacés, et maintenant ils savent qu’ils ont à anticiper la résistance des femmes s’ils continuent. Ces « messieurs » savent qu’ils doivent anticiper la résistance. Nous appelons cela un renforcement du mouvement.
Zora 2 : De tout temps la stratégie de contre-révolution a été de séparer l’aile radicale et de l’isoler par tous les moyens pour affaiblir l’ensemble du mouvement. Dans les années soixante-dix, nous avons expérimenté ce que cela voulait dire quand les secteurs de la gauche ont adopté la propagande d’État, quand ils ont commencé à présenter ceux qui se battent sans compromis comme les responsables de la persécution de l’État, de la destruction et de la répression. Non seulement ils confondent la cause et l’effet, mais ils justifient aussi implicitement la terreur d’État. De là, ils affaiblissent leur propre position. Ils réduisent le cadre de leur protestation et de leur résistance.
L’entrevue a ensuite posé la question suivante :
«Comment des femmes qui ne sont ni autonomes ni radicales peuvent-elles comprendre ce que vous voulez ? Les actions armées les effraient et les éloignent.
Zora 2 : Pourquoi ce n’est pas effrayant lorsqu’un type vend des femmes et que ça le devient quand sa voiture brûle ? Derrière cela, il y a le fait que la violence sociale légitimée est acceptée alors que des représailles similaires en guise de réponse effraient. Il est possible que ce soit effrayant de remettre des évidences en question, que les femmes, à qui on a bourré la tête depuis qu’elles sont gamines avec l’idée qu’elles sont des victimes, se sentent en danger si elles sont confrontées au fait que les femmes ne sont ni des victimes ni des êtres pacifiques. C’est un défi. Les femmes qui ressentent avec rage leur impuissance peuvent s’identifier à nos actions. Alors que chaque acte de violence contre une femme crée un climat de menaces contre toutes les femmes, nos actions — même si elles ne sont dirigées que contre l’individu responsable — contribuent au développement du sentiment que la résistance est possible !» (29)
Il y a, cependant, une grande partie de la littérature féministe, qui nie les les effets autonomisants (et historiquement important) de la lutte radicale des femmes et des autres mouvements, offrant à la place un féminisme pacifiste. Les féministes pacifistes pointent le sexisme et le machisme de certains militants des mouvements de libération, chose que nous devrions tous reconnaître et traiter comme tel. Le rejet de la non-violence en faveur de la diversité des tactiques ne devraient pas du tout impliquer une satisfaction à l’égard des stratégies ou des cultures de groupes militants passés (par exemple, la posture machiste du Weather Underground ou l’anti-féminisme des Brigades Rouges) (30). Mais si on prend ces critiques au sérieux, on ne devrait pas se priver de remarquer l’hypocrisie des féministes qui dénoncent volontiers les comportements sexistes des militants, mais les couvrent quand ils sont le fait des pacifistes – par exemple, savoureuse est l’histoire de Gandhi qui enseigna la non-violence à sa femme, sans mentionner les inquiétants aspects patriarcaux de leur relation (31).
Certaines féministes vont plus loin que les critiques spécifiques et tentent de tisser un lien métaphysique entre féminisme et non-violence : il s’agit de la «féminisation de la passivité» mentionné plus haut. Dans un article publié dans le journal de Peace Power de Berkeley, Carol Flinders cite une étude faite par des scientifiques de l’UCLA (Université de Californie, Los Angeles) affirmant que les femmes sont hormonalement programmées pour répondre à un danger non pas avec un mécanisme de lutte ou de fuite, qui est attribuée aux hommes, mais avec un mécanisme « tendre vers ou sympatiser ». Lorsqu’elles sont menacées, selon ces scientifiques, les femmes «calment les enfants, font avancer tout le monde, désamorcent la tension, et se connectent avec les autres femelles. » (32) Cette sorte de science populaire a longtemps été un outil privilégié pour reconstituer le patriarcat, censé prouver l’existence de différences naturelles entre les hommes et les femmes, et les gens sont tout à fait disposés à oublier les principes fondamentaux des mathématiques dans le but de se résigner à un monde si bien ordonné. A savoir, une humanité divisée arbitrairement en deux ensembles (mâle et femelle) basés sur un nombre très limité de caractéristiques produiront invariablement des moyennes différentes pour chaque ensemble. Les gens qui ne savent pas que cette moyenne n’exprime pas, mais obscurcit, la diversité au sein d’un ensemble déclarent avec joie que ces deux ensembles sont des catégories naturelles et continuent à faire que des personnes se sentent comme contre-natures ou anormales si elles ne sont pas proches de la moyenne de leur ensemble (Dieu nous garde si elles tombent plus près de la moyenne de l’autre ensemble. Arrêtons-nous un instant pour porter un toast à l’impartialité de la science !)
Mais Flinders ne s’arrête pas là, avec ces études implicitement transphobes et essentialistes (33) de l’UCLA. Elle va jusqu’à plonger dans «notre lointain passé pré-humain. Parmi les chimpanzés, nos plus proches cousins, les mâles patrouillent le territoire au sein duquel les femmes et les nourrissons s’alimentent […] Les femmes sont rarement sur ces lignes de front. Elles sont plus généralement engagés dans les soins directs à leur progéniture ».
Flinders affirme que cela démontre «qu’il n’a jamais été particulièrement adapté pour les femmes de s’engager dans le combat direct » et que « les femmes ont tendance à y venir [à la non-violence] à partir d’une direction quelque peu différente et même à la vivre un peu différemment. » (34) Flinders commet ici une autre bourde scientifique, et ce en prenant une tournure remarquablement sexiste. Tout d’abord, le déterminisme de l’évolution qu’elle utilise n’est ni rigoureux, ni prouvé – sa popularité vient de son utilité dans la création d’un alibi pour des structures sociales oppressives historiques. Même dans ce cadre douteux, Flinders est viciée sur ses hypothèses. Les êtres humains n’ont pas évolué à partir des chimpanzés, mais plutôt, les deux espèces ont évolué du même prédécesseur. Les chimpanzés sont tout aussi modernes que les êtres humains, et les deux espèces ont eu l’occasion d’évoluer dans leurs adaptations comportementales qui s’écartent de l’ancêtre commun. Nous ne sommes pas plus liés aux divisions sexuelles des chimpanzés qu’ils ne sont liés à notre propension à développer des champs sémantiques immenses pour obscurcir la vérité du monde qui nous entoure. Deuxièmement, de la même manière qui lui permet d’affirmer une tendance féminine à la non-violence, Flinders rejoint l’affirmation selon laquelle le rôle naturel des femmes est de réconforter les enfants et de nourrir tout le monde – à l’écart des lignes de front. Flinders a brillamment, quoique par inadvertance, démontré que le même système de croyance qui dit que les femmes sont pacifiques dit aussi que le rôle des femmes est de faire la cuisine et d’élever des enfants. Le nom de ce système de croyance est le patriarcat.
Un autre article écrit par une féministe académique soutient cet essentialisme à la racine. Dans le deuxième alinéa de «Le féminisme et la non-violence: un modèle relationnel », Patrizia Longo écrit:
« Des années de recherche […] donnent à penser que malgré les problèmes potentiellement liés, les femmes participent systématiquement à l’action non violente. Cependant, les femmes choisissent la non-violence non parce qu’elles veulent se réaliser par le biais de souffrances supplémentaires, mais parce que cette stratégie s’inscrit dans leurs valeurs et leurs ressources-  » (35)
En contraignant les femmes à la non-violence, il semble que les féministes pacifistes limitent également notre définition « des valeurs et des ressources » des femmes, définissant ainsi les traits qui sont essentiellement féminins, enfermant les femmes dans un rôle faussement décrit comme naturel, et en excluant les personnes qui n’ont pas correspondent pas à ce rôle.
Il est difficile de dire combien de féministes acceptent aujourd’hui les principes de l’essentialisme, mais il semble qu’un grand nombre de féministes de base n’acceptent pas l’idée que le féminisme et la non-violence soient, ou doivent être intrinsèquement liés. Sur un forum de discussion, des dizaines de féministes revendiquées ont répondu à la question « Y a t-il un lien entre la non-violence et le féminisme? ».
Une majorité de répondant-e-s, certain-e-s pacifistes -beaucoup d’autres pas- ont exprimé la conviction que les féministes n’ont pas besoin de soutenir la non-violence. Un message résume :
«Il existe encore un frein important dans le féminisme qui associe les femmes avec la non-violence. Mais il y a aussi beaucoup de féministes ici, moi y compris, qui ne voulons pas nous voir automatiquement associées à une position (c’est-à-dire la non-violence) simplement en fonction de notre appareil génital ou de notre féminisme.  » (36)
Peter Gelderloos
extrait de « How Non-violence protects the State »
(« Comment la Non-violence protège l’Etat »)
Notes de fin :
1. Pour en savoir plus sur le patriarcat, je recommande fortement les œuvres de Bell Hooks, ainsi que Kate Bornstein (par exemple «Gender Outlaw »,) et Leslie Feinberg (par exemple, « Transgender Warriors »). En outre, à partir d’une approche historique, anthropologique, « The Creation of Patriarchy » de Gerda Lerner (New York: Oxford University Press, 1986) possède de bonnes informations, mais Lerner se limite en grande partie à une vision binaire du genre, en acceptant deux catégories de genre comme naturelle, et donc à côté de la première étape et la plus importante dans la création du patriarcat, qui est la création de deux catégories de genre rigides. Des informations intéressantes corrigeant cette omission peut être trouvée dans le livre de Moira Donald et Linda Hurcombe, eds. «Les représentations du genre, de la préhistoire à nos jours » (New York: St. Martin Press, 2000).
2. Cette dernière stratégie a été appliquée avec succès par de nombreuses sociétés anti-autoritaires à travers l’histoire, y compris les Igbo du Nigeria aujourd’hui. Pour cet exemple, voir Judith Van Allen, «Assise sur un homme, le colonialisme et les institutions politiques perdues des femmes Igbo », Revue canadienne des études africaines, vol. 2, (1972): 211-219 .
3. Pour en savoir plus sur la justice réparatrice, une manière «fondée sur les besoins » de faire face à un préjudice social par la guérison et la réconciliation (donc, un concept de la justice adapté pour faire face aux nombreux «crimes» qui sont enracinées dans le patriarcat), voir Larry Tifft, « Batteringof Women: The Failure of Intervention and the Case for Prevention » (Boulder: Westview Press, 1993) et « Restorative justice : Healing the foundations of our everyday life » de Dennis Sullivan et Larry Tifft, (Monsey, NY: Willow Tree Press, 2001).
4. Bell Hooks présente une analyse plus complexe, qui traite aussi de la violence faite aux femmes, dans plusieurs livres, y compris « The Will to Change: Men, Masculinity, and Love » (New York: Atria Books, 2004). Cependant, la violence des femmes dont Hooks parle n’est pas une violence politique, consciemment dirigée contre les agents du patriarcat, mais, plutôt, un déplacement de la violence impulsive destinée aux enfants et d’autres plus bas dans la hiérarchie sociale. Ceci est un exemple d’un véritable cycle de la violence, que les pacifistes présentent comme étant la seule forme de violence. Et tandis que toutes les formes traumatiques de cycle de la violence (c’est-à-dire, ayant des ramifications successives à mesure que les gens réagissent d’une manière inadaptée au traumatisme de la violence initiale), les révolutionnaires affirment que toutes les hiérarchies violentes sont maintenues ensemble par des déploiements de violence systématique à la baisse, dont les initiateurs devraient et doivent être frappés d’incapacité. Le monde n’est pas un pied d’égalité sur lequel rebondit la violence de manière cohérente, uniforme en provenance et n’affectant que les personnes qui sont égales en pouvoir et en responsabilité. Pour être plus précis, si des femmes s’organisent collectivement pour s’attaquer et s’opposer avec force aux violeurs, les viols spécifiques seraient empêchés, le traumatisme des viols passés seraient exorcisés d’une manière constructive et libératrice, les hommes se verraient refuser la possibilité de violer en toute impunité, et à l’avenir les viols seraient découragés. Ou, autre exemple, les Noirs et les latinos urbains qui effectuent des attaques de guérilla contre la police n’encouragent pas un cycle de la violence policière. La police ne tue pas les gens de couleur parce qu’ils ont été traumatisés par les violences du passé, ils le font parce que le système de suprématie blanche en a besoin et parce qu’ils sont payés pour ça. L’activité révolutionnaire sera, bien sûr, le résultat de la répression accrue de l’État, mais c’est est un obstacle qui doit être dépassé dans la destruction de l’Etat, qui est le plus grand pourvoyeur de violence. Après la destruction de l’Etat, du capitalisme, et des structures patriarcales, les gens seront encore traumatisés, auront toujours des points de vue autoritaires et patriarcaux, mais des problèmes individuels qui ne sont pas structurellement renforcés peuvent être abordés de manière coopérative, de façon non-violente. Ce que les armées ne peuvent pas.
5. Par exemple, Robin Morgan, « The Demon Lover: on the sexuality of terrorism » (New York: WW Norton, 1989). La brochure du Rock Bloquer collective, « Stick it to the Manarchy » (publication et distribution décentralisée en 2001), formule des critiques valables contre le machisme dans les cercles anarchistes blancs, mais suggère que l’activisme lui-même est machiste, et que les femmes, les personnes de couleur, et d’autres groupes opprimés sont en quelque sorte trop fragiles pour participer à la révolution violente.
6. Laina Tanglewood, « Against the Masculinization of Militancy», cité dans «Ashen Ruins, Against the Corpse Machine: Defininga Post-Leftist Anarchist Critique of Violence » (publication et distribution décentralisée, Avril 2002). Texte intégral disponible à l’adresse http://www.infoshop.org/rants/corpse_last. hrml,
7. Ibid.
8. Sue Daniels, e-mail, Septembre 2004. Pour en savoir plus sur légitime défense des femmes, Daniels recommande le livre de Martha McCaughey, « Real Knockouts: The Physical Feminism of Women’s Self-Defense » (New York: New York University Press, 1997).
9. « The Will to Win! Women and self-defense » est un pamphlet anonyme
distribué par Jacksonville Anarchist Black Cross (4204, rue Herschel,
N ° 20, Jacksonville, FL 32210).
10. Le dicton pacifiste guindé selon lequel que «le changement doit venir de l’intérieur» est à ne pas confondre avec l’auto-critique. De manière fonctionnelle, une telle philosophie empêche les gens de contester le système et la lutte contre les
oppressions structurelles; elle est analogue à la notion chrétienne du péché, comme
une barrière à la rébellion et au fait que d’autres envisagent une action collective contre l’oppression. Dans les quelques cas le “changement de l’intérieur” principe signifie plus d’un simple engagement à la non-violence, c’est une forme impuissante d’auto-amélioration qui prétend que les oppressions sociales sont le résultat d’échecs généralisés de la personnalité qui peuvent être surmontés sans la suppression des forces extérieures. L’auto-amélioration des militants anti-oppression, d’autre part, constitue un aveu concernant le fait que les forces extérieures (qui sont les structures de l’oppression) influencent ceux qui les combattent. Ainsi, faire face à ces effets est plutôt un complément naturel à la lutte contre les causes. Mais plutôt que de
agir comme un complément, l’auto-amélioration pacifiste tend à se substituer à la lutte contre les causes.
11. “Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde» ou «Consacrer le
changement … ” sont des slogans pacifistes communs, qui peuvent être trouvés sur au moins une des quelques pancartes à la moindre manifestation majeur pour la paix aux États-Unis.
12. E-mail personnelle à l’auteur, Décembre 2003.
13. Cortright, “The Power of non-violence.”
14. Robnett, « How long »? 87, 166,95.
15. L’histoire de Bayard Rustin forcé de quitter la SCLC, du fait que Rustin
été homosexuel peut être retrouvé dans le livre de Jervis Andersen, «Jervis Andersen, Bayard Rustin: The Troubles I’ve Seen (New York: HarperCollins Publishers, 1997) et dans celui de David Dellinger, « From Yale to Jail: The Life Story of a Moral Dissenter » (New York: Pantheon Books, 1993).
16. Cependant, les personnes dont la stratégie repose sur la formation de partis ou
d’organisations similaires, centralisées, qu’elles soient révolutionnaire ou pacifistes, ont aussi un intérêt à mettre en sourdine l’auto-critique. Mais les révolutionnaires d’aujourd’hui démontrent une nette tendance à l’écart vis à vis des partis politiques, des syndicats, et d’autres organisations qui développent un ego, de l’orthodoxie, et des intérêts propres.
17.Robnett, « How Long ? » 93-96.
18. Mumia Abu-Jamal, « We Want Freedom », 161.
19. Ibid., 159.
20. Ibid.
21. Julieta Paredes, “An Interview with Mujeres Creando,” in Quiet Rumours: An Anarcha·Feminist Reader, ed. Dark Star Collective (Edinburgh: AKPress, 2002), III-II2.
22. Leslie Feinberg, “Leslie Feinberg Interviews Sylvia Rivera,” Workers Worla, 2 Juillet 1998, http://www.workers.org/ww/1998/sylvia0702.php.
23. Ann Hansen, « Direct Action: Memoirs of an Urban Guerrilla », (Toronto: Between The Lines, 2002), 471.
24. Emma Goldman, “La tragédie de l’émancipation féminine,” dans Quiet Rumours, ed. Dark Star Collective, 89.
25. Paul Avrich, Anarchist Portraits(Princeton: Princeton University Press, 1988),218.
26. Yael, “Anna Mae Haunts the FBI,” Earth First!Journal, July-August 2003: 51.
27. Ibid.
28. “Interview with Rote Zora,’ in Quiet Rumours, ed. Dark Star Collective,
102.
29. Ibid., 105.
30. Pour le sexisme des Weather Underground, voir « False Nationalism; and Dan Berger, Outlaws of America: The Weather Underground and the Politics of Solidarity (Oakland, CA: AK Press, 2005) » de Tani et Séra. Pour l’opposition des Brigades rouges au féminisme, qu’ils ont dénoncé comme « bourgeois » plutôt que d’embrasser ses aspects radicaux, voir « “StrikeOnetoEducateOneHundred”: The Rise of the Red Brigades in Italy in the 1960s-1970s » (Chicago: Seeds Beneath the Snow, 1986) de Chris Aronson Beck et al.
31.Carol Flinders, « Nonviolence: Does Gender Matter? » Peace Power: Journal of Nonviolence and Conflict Transformation, vol. 2, no. 2 (summer 2006); http:// www.calpeacepower.org/0202/gender.htm. Flinders utilise exactement cet exemple de Gandhi, faisant même l’éloge du pacifisme inné des “femmes hindoues dévouées.”
32. Ibid.
33. Pour ceux qui ne connaissent pas le terme, quelque chose qui est “genderessentializing” (« genre essentialisé ») suppose que le sexe n’est pas une construction sociale ou même une division imparfaite, utilement bien pensée, mais un ensemble de catégories inhérentes, d’essences immuables et même déterministes.
34. Flinders, “Nonviolence: Does Gender Matter?”
35. Patrizia Longo, « Feminism and Nonviolence: A Relational Model, » The Gandhi Institute, http://www.gandhiinstitute.org!NewsAndEvents/% 202004.pdf # search =% 22feminist% 20nonviolence 22%.
36. « Feminism and Nonviolence Discussion, », Février et Mars 1998, http://www.h-net.org/~women/threads/disc-nonviolence.html (site consulté le 18 Octobre 2006 – lien toujours valable en Juin 2012).

1 Comment to “« La non-violence est patriarcale » Peter Gelderloos”

  1. […] En complément de nos propres traductions, nous republions une traduction du chapitre 4 du livre de Peter Gelderloos « How non-violence protects the state » (« Comment la non-violence protège l’État ») paru en 2007 aux éditions AK Press. Cette traduction a initialement été publiée par Le Cri du Dodo (et non pas par Le Laboratoire., comme nous l’avions initialement indiqué, qui n’en publie qu’une partie). L’infokiosque Tatanka en met à disposition une édition en brochure. […]